1933

PAULIN, André, « Pétérelle », Triptyque. Lettres. Arts.
Sciences, no 67, avril.

Extrait :
Comme son oeuvre, Pétérelle est un homme étrange. Sa longue tête au nez busqué sous un front gravé de stries profondes que son ami le sculpteur Wlérick a transcrite en un admirable buste qui a été reproduit ici dans un des précédents numéros, révèle l’aristocratie d’un esprit tendu vers les recherches rares. Tandis que de sa douce voix monocorde il me raconte une enfance orpheline entourée des soins sans tendresse d’une petite bourgeoisie aux idées étroites et bigotes qui considérait comme une grave faute de sortir le dimanche sans chapeau melon ou de descendre dans la rue en sandales quand on n’a rien d’autre à se mettre aux pieds, je devine ce que durent être ces années de pain étranger pour une âme aussi sensible que blesse la moindre allusion (…) Pétérelle n’était pas un homme fait pour vivre en cette époque de rivalités haineuses et de trahisons, en siècle utilitaire où la vision trop matérialiste du monde impose à notre vie une déformation stérile, l’éloigne de son but réel, lui interdit l’individualisme et la personnalité […] et c’est vraiment le coeur de Pétérelle qui est là exposé en toutes ses vibrations ardentes, en sa générosité totale, en sa puissance de souffrance, coeur doux et farouche comme celui d’un enfant à qui la vie a cependant appris la méchanceté des hommes, mais qui n’y peut pas croire.

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